Corrélation entre la reconstitution de certains lymphocytes de l’immunité innée et la survenue de GvHD après une greffe de cellules souches hématopoïétiques.


Innate lymphoid cell recovery and occurrence of GvHD after hematopoietic stem cell transplantation.

Piperoglou C, Larid G, Vallentin B, et al. Innate lymphoid cell recovery and occurrence of GvHD after hematopoietic stem cell transplantation. J Leukoc Biol. 2021;1–12.
https://doi.org/10.1002/JLB.5A1019-522RR

En s’appuyant sur les ressources biologiques de cohortes de patients adultes et pédiatriques traités par greffe de moelle osseuse, deux équipes de l’Hôpital de la Timone, le service d’Hématologie et Oncologie Pédiatrique et Marseille-Immunopôle, ont établi une corrélation entre la reconstitution d’une population particulière de cellules immunitaires, les ILCs (pour Innate Lymphoid Cells), et le niveau de protection de certains tissus épithéliaux pouvant être à l’origine de la survenue des deux formes de GvHD.

Avec près de 24 000 patients traités par an en Europe, 2000 en France dont 15% sont des enfants, la greffe de moelle osseuse représente la dernière ligne thérapeutique dans la prise en charge de maladies graves du sang (leucémie, lymphomes, etc.) ou de déficits immunitaires. Si l’intérêt de la greffe de moelle est largement reconnu par la communauté scientifique internationale, ce protocole thérapeutique n’est cependant pas sans risques pour les patients dont 50% souffrent, à court ou moyen terme, de complications infectieuses, pulmonaires, cardiaques ou dermatologiques pouvant être sévères et encore trop souvent mortelles dans 25% des cas. La GvHD ou maladie du greffon contre l’hôte (Graft versus host disease en anglais) est la forme de complication la plus fréquente. Dans ce cette maladie, les cellules immunitaires du donneur présentes dans le greffon perçoivent le receveur (hôte) comme un corps étranger, où elles attaquent alors ses organes sains.

Il existe deux formes de GvHD : la GvHD aiguë qui se manifeste en général dans les premiers mois après la transplantation et touche la peau, le foie et le tube digestif ; la GvHD chronique qui apparaît plus tardivement et peut affecter tous les organes sous une forme cutanée, buccale, oculaire, pulmonaire ou musculo-articulaire. A ce jour, il n’est pas possible de prédire la survenue de ces complications, et les ressources pour les soigner restent limitées.

 Un timing de reconstitution post-greffe des ILCs proche des cellules de l’immunité adaptative.

Les cellules lymphoïdes innées sont les derniers membres de la famille de lymphocytes à avoir été décrits (Nat Rev Immunol. 2010 Sep; 10(9):664-74.). Réparties en différents groupes, elles ont une morphologie de cellule lymphoïde, produisent les mêmes cocktails de cytokines que les lymphocytes T mais, à l’instar de leurs congénères de l’immunité innée, elles sont dépourvues de récepteurs spécifiques aux antigènes. Une autre différence les caractérise : contrairement aux cellules NK, et aux lymphocytes B et T retrouvés en quantité significative dans le sang périphérique, les ILCs sont présentes majoritairement dans les muqueuses.

En s’appuyant sur des travaux publiés en 2016 (Nat Immunol. 2016;17:1291–1299) qui ont permis de décrire les valeurs normales des d’ILC circulantes chez des sujets sains adultes et pédiatriques, les chercheurs ont mené une étude comparative sur la reconstitution de ces populations (ILC1, 2 et 3). Les résultats obtenus concernant le timing de reconstitution post-greffe sont comparables à ceux observés précédemment pour les cellules T de l’immunité adaptative, mais diffèrent très largement des courbes de reconstitution des ILC cytotoxiques que sont les cellules NKs connues pour leurs activités antitumorales et antivirales.

Corrélation entre la reconstitution des ILCs, le niveau de protection des epithéliums du patient et la survenue de GvHD aiguë et chronique.

En s’appuyant sur les ressources biologiques de patients adultes et pédiatriques respectivement, mis à disposition par la cohorte rétrospective CRYOSTEM, et obtenus grâce au soutien de la fondation Laurette Fugain, les chercheurs ont pu mesurer la présence dans le sang de progéniteurs de cellules ILCs qui expriment des marqueurs d’activation spécifiques. Connues pour leur rôle dans la protection et la régénération des épithéliums, certaines populations d’ILCs sont retrouvées en concentration significative chez les patients greffés ne développant pas de forme de GvHD. A contrario, chez ceux qui développent ces formes graves de complications, avec une atteinte des muqueuses digestives ou de la peau, les concentrations d’ILCs mesurées restent faibles.

Cette étude montre également que cette corrélation entre la présence de certaines ILCs et la survenue des formes aiguë et chronique de la GvHD, déjà décrite dans une publication en 2014 (Blood. 2014 Jul 31;124(5):812-21.), et concernant des patients traités par greffe de moelle pour une leucémie lymphoïde chronique, est reproductible quelque soit la pathologie à l’origine de l’indication du protocole de greffe. Un point majeur qui semble indiquer aux chercheurs que les marqueurs utilisés dans cette étude et exprimés par ces ILCs circulants, sont robustes et fiables.